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Festival de Marseille

Entretien avec Aina Alegre

Le projet R-A-U-X-A s’inscrit-il dans une forme de continuité ou au contraire, se pose-t-il en rupture radicale avec vos pièces précédentes ?

Ce projet s’inscrit, à la fois dans une forme de continuité car l’envie de travailler sur le martèlement émerge de l’observation de ce geste, qui s’ancre sous des formes très différentes dans tous mes précédents projets. Cependant, R-AU-X-A pose une forme de rupture par rapport à la façon dont je conçois le projet. Jusqu’à présent pour chaque processus j’édifie un corpus de références en lien avec le sujet que je traite dans chaque pièce. C’est ainsi que je mets en place une «physicalité» et une écriture de corps et d’espace-temps propre à chaque pièce. Pour ce nouveau projet, mon sujet est le geste lui-même, j’en explore les possibles corporalités et observe la façon dont il peut agir comme révélateur de mémoire.

 

 

Quelle est la place du frapper/ martèlement dans R-A-U-XA ? Pourquoi avoir choisi ce geste ?

Dans Le Jour de la Bête (création 2017) nous avions des chaussures métallisées pour frapper le sol couvert de terre, afin de créer de la polyrythmie. Après cette création j’ai voulu plonger dans ce corps martelant, instant avec un geste, qui dépose le son dans l’espace, qui devient résonance. Avec R-A-U-X-A je souhaite creuser dans ma propre mémoire corporelle, mais aussi aller à la rencontre d’autres mémoires collectives et d’autres pratiques physiques qui impliquent le marteler. Pour cette pièce, je pense à un marteler qui mute, une pratique, un état de corps qui permettra de déployer une série de mouvements et de situations physiques. Je ne pense pas cette pièce comme un répertoire de références, mais plutôt comme une expérience kinesthésique permettant l’hybridation de différentes pratiques physiques liées au corps sonore et au rythme. Je pense ici à certaines danses traditionnelles, les claquettes, le flamenco, la house dance... mais aussi à rentrer dans un état corporel qui plonge à travers les couches de mémoire impliquées dans ce geste. Le marteler rappelle les formes primitives de communication mais il contient aussi l’idée de technicité en tant qu’action qui manipule la matière par son impact. Je pense au geste du travail, du labeur, du rituel, et si je plonge encore plus loin dans le passé, je pense aux premières formes de musique que l’humain explore en martelant les pierres avec les mains ou avec d’autres pierres : le lithophone. Ce geste constitue aussi bien une forme de communication très ancienne qu’un témoignage de notre propre existence.

 

 

Vous avez choisi de collaborer avec Josep Tutusaus, connu pour ses rythmes électro. Pourquoi le choix de la musique électronique ?

Je m’intéresse à la dimension rythmique et percussive de la musique électronique. Ces sons envoient des vibrations sur les corps et sur l’espace et on y retrouve les fortes influences des musiques traditionnelles. Très intuitivement, j’ai eu envie de mettre en friction un corps qui produit du son et du rythme avec la production de sons à travers les machines. Le travail de Josep Tutusaus repose sur un traitement électroacoustique du son avec un ensemble modulaire qui produit une série de paysages et de situations sonores. Je souhaite créer une dimension sonore immersive qui confronte le geste manuel et le son technologique. Nous désirons partir d’un vocabulaire commun et explorer une relation d’interdépendance entre le mouvement, le son produit par le corps et le son des machines. Nous travaillons à partir de certaines notions comme la pulsation, la vibration, la répétition, le déplacement, l’accumulation, l’écho...

 

 

Comment qualifieriez-vous le lieu même du plateau ? De quelle nature est cet espace ? Quelle atmosphère émane de cet espace ?

Avec la collaboration de James Brandily à la spatialisation et Jan Fedinger aux lumières, nous imaginons le dispositif scénique comme un lieu où l’on édifiera une architecture immatérielle, mouvante et éphémère. Nous allons travailler avec deux contours en forme de pentagone. Ces formes proposent des espaces dans l’espace, deux dimensions, lieux de fabrique et de projection. En créant une friction entre une certaine géométrie de l’espace et une organicité du corps, nous allons traverser plusieurs atmosphères fabriquées par la lumière, le son, l’espace et le mouvement cherchant à construire un monde qui pourrait nous ramener à l’idée d’un futurisme antique.

 

 

Propos recueillis par Capucine Intrup pour l’Atelier de Paris

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