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Festival de Marseille

Entretien avec Botis Seva


Propos recueillis par Bakchormeeboy,
mai 2023



En quoi la pièce a-t-elle évolué par rapport à la version présentée en 2018 au Royaume-Uni ?



Botis Seva : BLKDOG s’est encore développée depuis sa présentation au Sadler’s Wells Reckonings en octobre 2018. Il y a de l’ombre et de la lumière, et non plus seulement le côté sombre de l’»histoire». Nous creusons un peu plus les souvenirs d’enfance des personnages pour faire le lien entre les épreuves que nous rencontrons en tant qu’adultes et ce qui est ancré en nous depuis la naissance. Mais il s’agit surtout d’une puissance poétique ; un regard sur la façon dont notre jeune génération tente de survivre dans un monde qui n’est pas fait pour elle.



Au-delà de la thématique de la santé mentale et de la dépression, on retrouve dans BLKDOG des éléments de la culture hip-hop et de la jeunesse notamment. Comment avez-vous décidé de réunir ces éléments ?



B.S. : La culture hip-hop a une grande influence sur mon travail – j’ai grandi en écoutant cette musique, je me suis nourri de cette culture. J’ai beaucoup appris sur la manière de raconter des histoires et de m’inspirer des luttes qui composent le quotidien. Je pense qu’il est très important de transmettre la vérité des gens qui nous entourent – ces histoires peuvent être réprimées et on peut facilement passer à côté. En tant que chorégraphe, je pense que mon travail consiste à provoquer, mais aussi à redonner de l’espoir à une génération qui se sent oubliée. La chorégraphie s’appuie sur le Krump et le Popping, elle décompose ces styles et repousse leurs limites, mais elle est essentiellement guidée par la narration.



Existe-t-il des formes inattendues de traumatisme et de deuil dans la société contemporaine qui ne sont pas nécessairement liées à la mort ou à la violence
physique ?



B.S. : Je pense que les traumatismes et le deuil resteront toujours des sujets délicats à aborder. De plus en plus de gens traversent des périodes difficiles, ce qui fait aussi écho au la société actuelle et à nos modes de vie - je crois que nous sommes face à une génération de personnes qui a du mal à se retrouver dans ce monde. Tout va si vite que nous avons parfois l’impression de ne pas avoir le temps de respirer - nous devons donner aux autres l’espace nécessaire pour faire leur deuil, c’est quelque chose qui à mon sens fait défaut. Nous attendons des gens qu’ils continuent à vivre normalement, sans reconnaître ce qu’ils traversent.



Votre parcours vers le métier de chorégraphe n’a pas été simple. Pensez-vous que les jeunes soient plus soutenus aujourd’hui, que ce soit par l’Etat, les compagnies ou leur propre famille, en ce qui concerne leur liberté et l’accès aux outils nécessaires à la réalisation de leurs rêves ?



B.S. : Oui et non – certains jeunes aimeraient avoir cette chance, mais ce n’est tout simplement pas possible faute de soutien financier et pour des raisons familiales. Mon parcours en tant que chorégraphe n’a pas été facile, mais sans la communauté dont je suis issu, je ne sais pas où j’en serais. J’avais un rêve et je ne me suis pas arrêté. C’est ce que font la plupart des jeunes : essayer de trouver de nouvelles voies dans un système injuste.



La danse et la chorégraphie sont-elles pour vous sources de dépression ou un exutoire ?



B.S. : C’est une échappatoire. La création est une thérapie, c’est un moyen d’évacuer tout ce que l’on garde à l’intérieur - des gens luttent tous les jours contre la dépression. Nous ne pouvons peut-être pas changer le monde, mais nous avons le pouvoir d’influencer, d’aider et d’encourager les autres à aller mieux.