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Festival de Marseille

Entretien avec J.-M. Chaumont et Adeline Rosenstein

POURQUOI S’OCCUPER DE CES QUESTIONS AUJOURD’HUI ?
 

- Jean-Michel Chaumont : « Ce que je vois et ce que j’ai vu, c’est que dans un certain nombre de circonstances, la plupart d’entre nous vendent leur âme au diable et qu’on n’est pas du tout préparé à cela, on n’est pas prévenu. D’abord on est persuadé que cela ne nous arrivera pas et puis, si on pense que cela pourrait arriver, on dit : « non mais moi jamais je ne trahirai ». Du coup, il n’y a pas de préparation collective. Or, ce qu’on ne prépare pas collectivement par un débat public, soyez bien sûrs que d’autres le préparent pour nous. »


- Adeline Rosenstein : « L’envie de ce spectacle est née aussi du constat qu’on ne parvient plus à produire, en tout cas depuis les lieux de production artistique, une opposition ferme et collective contre le système. Par exemple : on constate que la volonté politique manque à nos dirigeants pour enrayer les catastrophes écologiques (pesticides, surpêche, réchauffement climatique) –. La résistance, comme l’endroit du refus collectif de la défaite, « bougez-vous, sinon on bloque tout ! » est miné par notre habitude de la débrouille, de la négociation, chacun.e de son côté, chacun.e ses petites actions, ses petites familles oppositionnelles : « les autres sont les plus forts ? ok, va falloir ruser, creuser de petits tunnels, trouver des moyens de survivre, parler un double langage... » C’est à se demander si ceux qui se mettent au travail de la débrouille, c’est-à-dire les gens les plus au courant que ça dysfonctionne, ne sont pas, en réalité, ceux qui installent la défaite. A l’inverse, la résistance, les personnes qui ont vécu ce refus collectif clair et net, en parlent en ces termes : « Un jour on s’est dit : comment est-ce que je pourrais continuer à vivre ce quotidien-là dans ces conditions ? Cela n’a plus de sens. Avoir toujours peur, vouloir se débrouiller, ça n’a plus de sens. » Et le travail de sape collective s’enclenche. Il est fait de nombreuses petites ruses également, de réseaux, de secrets, mais ces ruses sont mises au service d’un autre but ; Non pas la survie dans le système mais le changement du système. Aujourd’hui, la survie dans le système de l’art est déjà considérée en soi comme de la résistance. Parmi les personnes les plus réfractaires autour de moi, les plus radicalement individualistes, irrécupérables, celles qui ne se laisseraient normalement jamais embrigader, j’avais l’impression qu’il y en avait de plus en plus qui avaient quand même appris à se débrouiller. Ce faisant, peut-être qu’elles, que nous, les artistes militant.e.s – avions perdu une certaine capacité à exprimer collectivement et catégoriquement un refus tout net en cas de conflit. Peut-être nous étions-nous placés dans une position de trop grande tolérance avec ce qu’on réprouvait et de trop grande intolérance vis-à-vis de groupes moins politisés ou moins ori- ginaux dans leurs modes d’expression, plus façonnés sur des modèles de luttes anciens, des vocabulaires et des attitudes débectants, qui pourtant, du point de vue de nos ennemis, nous ressemblaient. Un peu comme la secrétaire du patron colérique et grossier se vante de savoir « comment le prendre » et de s’en faire respecter, elle, contrairement aux autres, et ne voit plus sa connivence avec un psychopathe, ainsi au théâtre, on survit. Si j’ai eu besoin de retourner dans une époque où des révolutions aboutissaient à des indépendances, où des gens ont réussi le changement historique, la chute du colonialisme, c’est aussi pour observer les stratégies que les ennemis du changement avaient mis en place et comment elles ont été déjouées, en particulier l’arme psychologique, la propagande, les divisions entre groupes résistants et les trahisons en chaîne. »


- Jean-Michel Chaumont : « C’est quelque chose qu’on peut observer ces jours-ci et qu’on voit également dans la pièce : le chemin de la trahison est un chemin où l’on fait un petit pas, puis un autre, puis un autre et finalement, on se retrouve perdu... »

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