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Festival de Marseille

EXTRAIT DE "L'ÉTAT DE LA DANSE DE LA JEUNESSE"

JOKE LAUREYNS

Parlons de la danse, sans se soucier de l’âge ou du public. La danse, pas en tant que « 5, 6, 7 et 8 », mais la danse qui, justement parce qu’elle évacue le langage parlé, peut évoquer l’attente, l’amour, la mort, la peur… Toutes ces grandes émotions dont on semble avoir du mal à parler sans bégayer, surtout quand il s’agit de s’adresser à un enfant.


C’est là où la danse peut faire la différence. Comme un vocabulaire de l’indicible. La danse comme l’art de communiquer à un niveau plus profond, plus intuitif, presque instinctif, qui précède le langage, et qui est impossible à étiqueter. Comme un art capable d’étonner.


Mon expérience avec les enfants m’a fait remarquer qu’il y a toujours quelque chose de merveilleux dans ce qu’ils viennent de voir. Souvent, il y a un immense « non- savoir » ; ils ne savent pas comment faire pour traduire avec des mots ce qu’ils ont vu, ce qu’ils viennent de vivre.


Et c’est une bonne chose : je ne pense pas que l’art pour les enfants doive répondre à leurs attentes, je pense qu’on peut leur être bien plus utiles en leur montrant quelque chose d’inconnu, quelque chose qui leur posera question, et qui leur fera voir le monde sous un autre angle.


L’art pour les enfants devrait créer des moments de « non-savoir », des espaces de respiration au milieu de toutes les certitudes dans lesquelles ils grandissent. C’est encore mieux même, lorsque les adultes ne semblent pas avoir les réponses, partageant ainsi la surprise de leurs enfants, quand cela pose question, quand surgit la beauté du doute, et que cela ouvre les portes vers la philosophie et l’éveil de l’esprit. Ça peut être magnifique de ne pas savoir ensemble, quand une sorte de douce confusion s’installe, quand on peut être déstabilisés presque avec volupté. Voilà le potentiel de la danse !


Je revendique des performances courageuses, des spectacles qui reconnaissent la danse comme un moyen excitant d’exprimer la complexité de nos pensées et de nos émotions, pour brouiller les contours de notre expérience, pour pousser nos perceptions encore plus loin, et finalement, nous rendre plus ouverts, nous rendre meilleurs. Je revendique aussi le doute. Pour les adultes comme les enfants, je défends le doute partagé qui casse les frontières entre les générations : un parent, un grand-parent, un professeur qui reconnait : « Je ne peux pas te répondre tout seul, réfléchissons ensemble, qu’avons-nous vu exactement ? ». Et dans cet échange, ou dans le silence qui suit, la sagesse touche tous les âges, dans les deux sens, au-delà d’un savoir transmis du haut vers le bas. On ne forme qu’un. La danse crée cette unité. Elle reconnait la puissance d’expression d’un corps articulé.

 

 


Joke Laureyns, 2011