Extrait du Nez Dehors, émission en direct enregistrée le 2 juin 2021 sur Radio Grenouille. Entretien avec le chorégraphe Andrew Graham et la dramaturge Béatrice Pedraza pour Parade, une proposition du Festival de Marseille avec la compagnie L’Autre Maison.
Avec des références au music-hall, aux revues de cabaret, au cirque et aux ballrooms queer, les dix-huit performeur.euse.s de la compagnie L’Autre Maison présentent une parade futuriste d’un genre bien marseillais. Ils se manifestent comme les ambassadeur.ice.s de la fluidité des genres, du genre et des identités.
Radio Grenouille : Parade est un ballet réaliste. Qu'est-ce que vous entendez par réaliste ?
Andrew Graham : On travaille avec une mixité de personnes, des enfants, des adultes, des professionnels, des amateurs, des personnes en situation d'handicap, de non-handicap, des adhérents au groupe de migrants LGBT. Nous avons plein de questions sur la façon dont on peut créer des espaces de mixité. De quoi ces espaces ont besoin sur le plan pratique comme par exemple l'aménagement des toilettes ou encore le transport qui est un challenge pour certaines personnes ici. On essaie de s'imaginer des formes futuristes de mondes qui pourraient être accessibles. Le spectacle Parade est réaliste car c'est une parade de tout ce qui fait bien trop sens pour être réaliste aujourd'hui.
Béatrice Pedraza : Le réalisme, la question du réel est liée à ce qu’on a envie de montrer, c’est-à-dire des êtres humains avant tout. Dans un monde où on aimerait nous amener à encore plus, c'est-à-dire plus de performances, de mécanique, de numérique. Nous affirmons que le fait d’être réel sur scène est déjà en soi énorme. Essayons de regarder cette humanité, de voir comment elle peut fonctionner, les uns avec les autres.
Radio Grenouille : Vous vous placez dans une filiation avec le nom du spectacle Parade qui vient d'un ballet de Cocteau qui date de 1917. Pourquoi cet héritage ?
Andrew Graham : Parade est d'abord une collaboration entre quatre artistes ; Jean Cocteau, Éric Satie, Pablo Picasso et Éric Massine. C'était la première collaboration horizontale dans laquelle chaque artiste présentait leur parade. C'était la première compagnie de danse contemporaine qui a existé. Ils voulaient s'inventer de nouvelles modernités en s'inventant de nouvelles formes futuristes plutôt que d'être dans un art figuratif et historique. Reproduire la nature de manière gracieuse et essayer de porter l'imaginaire le plus loin possible. Nous aussi, on voulait s'inventer un futur autour d'un monde adapté en s'imaginant des formes plus 'sexy'. L'accessibilité peut elle aussi être novatrice, on peut être un groupe même si on a des différences.
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Radio Grenouille : Quelles intentions chorégraphiques vous avez dans ce spectacle ?
Andrew Graham : On part sur une parade collective, le but étant de s'inventer des formes de groupe, différentes et abstraites. On a invité le plasticien Mounir Ayache qui s'occupe des costumes et de la scénographie avec une esthétique arabe futuriste. Il fabrique des machines et il les programme. Il y a également le compositeur I was sleeping, il s'intéresse à différentes formes de langage et d'expressions sonores. Il produit un travail autour du numérique et sur la manière de sublimer leur langage.
Béatrice Pedraza : Un des challenges, c'était aussi que chacun trouve sa place. Souvent, le rapport à l'oralité peut-être compliqué pour certains. Il fallait que l'on puisse inventer pour tout le monde un langage sans les pousser vers un langage commun. Tout le monde se retrouve dans la situation d'apprendre un nouveau langage ce qui met l'ensemble de la troupe dans une position très égalitaire.
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