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Festival de Marseille

Note d'intention

Dorothée Munyaneza

 

« Nous avons différents âges et passages de l’histoire.  
Ici, là-bas et ailleurs. 
Nous avons connu séismes, sang, crises, joies, ténèbres, rires et larmes. 
Nous naviguons entre langues multiples et danses quotidiennes. Entre colère et
douceur.

 

Nous sommes éparpillées dans différents pays et sur différents continents.
Nous sommes connectées, réellement solidaires et cela donne de l’espoir.  
Entrelacement des horizons.

 

Ces dernières années, j’ai rencontré des artistes libres, puissantes, engagées, habitées,
audacieuses, hybrides, porteuses d’histoires de peuples longtemps marginalisés,
malmenés, ségrégués, longtemps considérés comme insignifiants. 
Rencontres riches avec des personnes qui ont tant à nous raconter, à nous
transmettre, leurs récits, leurs chants, leurs danses, leur rage, leurs larmes et leurs rires
se révèlent tels des racines dont les mémoires irriguent les histoires qui sont les nôtres.

 

Danseuses, comédiennes, performeuses, auteures, compositrices, cuisinière. 
Nous sommes histoires mêlées. 
Nous sommes mélodies. 
Nous sommes humanité. 
Nous sommes traversées. 
Au-delà des identités, nous sommes mailles géographiques, générationnelles
et professionnelles.

 

Pendant longtemps j’ai voulu raconter mon histoire, l’histoire de mon peuple.  
Et plus je rencontrais d’autres artistes venues d’ailleurs, plus j’étais curieuse et surprise
par leurs propres histoires qui d’une manière ou d’une autre étaient liées à mon
histoire d’être humain. Désormais je ne peux plus parler de moi sans parler d’elles.

 

Elles sont de Bristol, Port-au-Prince, Marseille, Séville, Berlin ou Rotterdam. 
Je suis elles. 
Je les suis. 
Je suis de plusieurs lieux. 
Je suis périples multiples. 
Une traversée d’histoires.
Je suis rencontres, torrents, soleils, tourments, silences et lumières.

 

Leurs histoires me rattrapent parfois à travers une mélodie, une baie, une chanson,
un bijou, un repas, un cliché, un pétale, une couleur, une phrase, un éclat de rire, 
un cri. 
M’imprégner de leurs histoires, leurs gestes, leur poésie, leurs langues, leurs mets.

 

Je rêve de ce rassemblement intime où se rencontrent nos histoires.
Je rêve de ce rassemblement intime pour convoquer l’histoire.
Je rêve de ralliement sur un même plateau. 
Je rêve d’une géopolitique du lien inter-humains, ce lien qui donne de la force
et de l’élan. 
Nos échanges à longue distance quasiment quotidiens remplissent ces étendues
et pulvérisent les décalages horaires entre nous.

 

Nous échangeons nos histoires.
Intimes.
Quotidiennes.
Le grondement, l’écroulement, le présent, l’amour, la musique, la politique, le chaos,
la cacophonie, les ordures, les fruits, les possibles, les trous.
Pas besoin de tout savoir pour se connaître.
Partir des infrastructures de l’intime pour raconter ce qui nous lie et ce qui nous lie à autrui.
Voilà mon ambition.

 

Raconter à plusieurs.  
Rassembler et partager des mémoires intimes et collectives, ces mémoires dont nous
portons les traces indélébiles et fécondes et que nous façonnons chaque jour.
Des mémoires peuplées par des histoires ancestrales, des histoires actuelles.
Célébrations dans nos langues multiples le somali, l’anglais, le français, le kinyarwanda,
l’allemand, le néerlandais, l’espagnol, le kreyòl.

 

Nos vies sont étroitement liées aux politiques de nos pays respectifs.
Je veux partager les séismes, les émois, les voyages, les rencontres qui creusent
les sillons de nos êtres et qui révèlent qui nous sommes, différents visages de nos
humanités liées.
Les contextes nous déterminent, mais l’intime les dépasse.
Je souhaite aborder notre humanité à travers l’intime.

 

La résilience comme arme de résistance nous accompagne et constitue notre force,
notre beauté. Et cette force, je souhaite la célébrer, la partager.

 

More kinds of beauty.

 

Courbes, cambrure, cheveux gris, cheveux crépus, peau ébène, peau tendue,
corps en mouvement.
Déploiement.

 

Ces femmes que j’ai envie de réunir ont le courage de porter des paroles qu’on
n’entend pas ou peu dans la cacophonie quotidienne. Elles habitent des corps qu’on
croise au quotidien mais peu souvent sur un plateau. Je veux créer un espace où elles
sont visibles.
“Não apenas um momento, mas um movimento”.
Merci Zora Santos pour votre sagesse et ces mots.

 

Des mains jeunes dans les cheveux gris de Zora.
Full of blue
It’s alive
Seeking
The freedom inside
Living is a right
Packing everything out
Monde plus juste de la post-puissance
Crossover
Resurgence
Ancient shapes.
New every morning.

 

« Est-on de là où l’on est né. De là où l’on meurt. Des interstices ? »,
écrit Felwine Sarr dans ses Méditations africaines.

 

We are ongoing. »

 


Dorothée Munyaneza

 

Marseille, le 7 février 2019

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